Il y a des mots pour dire nos maux. Et je crois profondément au bienfait de se raconter, pour permettre un changement dans nos histoires de vie, nos liens et notre rapport au monde.
Nous sommes un certain nombre à tenter d’établir un récit de nos existences, de narrer notre histoire, avec nos amis, nos collègues, au chauffeur de taxi, chez le coiffeur, chez l’avocat, sur les réseaux sociaux…Nous partageons de notre histoire en espérant qu’elle soit entendue. Car au fond, au moment où je me raconte, une part de moi souhaite être reconnue.
Je me souviens de la beauté du récit de Marguerite de Yourcenar dans les mémoires d’Hadrien. Un récit si pur, comme une urgence pour l’empereur, de se raconter à son petit-fils adoptif et de retracer par une grande lettre son existence, en y mêlant force et vulnérabilité. Dans cette oeuvre magistrale, se raconter est un moyen d’accéder à la sagesse et de transmettre de l’expérience à travers une introspection presque méditative.
Nous pouvons parler et ne jamais être entendu, ne jamais être reconnu. Se raconter suppose alors un receveur, celui qui écoute ou celui qui lit. De mon point de vue Gestaltiste, nous n’existons qu’en relation avec ce qui nous entoure, avec l’autre et uniquement comme cela. Croire que nous existons individuellement est une illusion, nous existons car nous sommes indissociables de notre environnement.
Et lorsque nous nous racontons, nous pouvons rencontrer celui qui écoute ou celui qui nous lit. C’est dans ce mouvement entre soi et l’autre, que nous avons la possibilité de nous libérer de nos souffrances émotionnelles, de nos hontes, de nos culpabilités, de nos obsessions mentales, d’une forme d’isolement et de permettre un changement. Nous pouvons alors poursuivre notre chemin pour aller vers ce qui est suffisamment bon pour nous et tenter de ne plus nous identifier à notre histoire.
Dans ma posture de Gestalt psychothérapeute, l’écoute est bien entendu au centre de mon travail. J’écoute les mots, j’écoute les silences, j’écoute les rêves, j’écoute le corps, j’écoute la respiration, j’écoute ce qui n’est pas dit, j’écoute le mouvement d’une main, j’écoute le regard, j’écoute comment dans la relation un thème peut émerger, j’écoute comment le contact se construit ou ne se construit pas. Et je prends le temps de recevoir. Les mots sont essentiels pour laisser une trace et le temps un outil indispensable pour recevoir les mots.