« Parfois je pense que la plus grande fonction que nous ayons comme thérapeutes, est celle d’être pleinement présents, d’être clairs, d’être « entièrement là », avec une conscience disponible… Je soutiens qu’en étant simplement et complètement présents, nous aidons déjà à structurer le champ commun en donnant plus de vie. » – Malcolm Parlett
Le monde dans lequel nous évoluons et bougeons nous demande sans cesse d’être performant. Il n’est pas rare que l’accompagnement thérapeutique soit centré sur l’objectif et la progression, en s’orientant vers l’action, la réaction et le résultat.
Je ressens que la présence relève d’une qualité d’«Être» et non de «Faire». La présence est une prise de conscience totale, une écoute en profondeur de ce qui est, un abandon de la nécessité de contrôler pour laisser venir. Laisser venir ce qui doit être dit, ressenti, partagé…
Dans le cadre de la gestalt thérapie, qui privilégie la relation, la présence devient alors un sentiment d’avoir capturé l’intérêt de l’autre et de l’avoir reçu en retour. Je peux le formuler ainsi «Je remarque que tu me remarques et je me sens reconnu de toi”. Je ne crois pas qu’il y ait plus authentique et plus profond que de se sentir ainsi. Cela me donne l’impression d’être face à un excellent plat et de pouvoir le savourer entièrement, jusqu’à en être absolument remplie. Etre au plus près de la présence est une expérience de la relation rassasiante qui demande une certaine forme d’éclipse de soi-même.
En me laissant porter par ce thème essentiel, une lettre adressée à un patient imaginaire m’est venue :
« Je comprends que vous soyez submergé par vos émotions et je comprends combien il est difficile de faire le tri dans celles-ci.
Je vois combien vous souffrez et cela me fait vivre une forme d’impuissance, car je n’ai pas de solutions immédiates , d’outils tout préparés pour faire face aux passages de l’existence.
Je fais le tri moi aussi en même temps que je vous écoute et vous regarde. Le tri dans mes émotions que je ressens face à votre détresse. Je tente de ne pas rentrer dans l’écueil de la recherche de solutions, qui souvent arrive quand nous voulons fuir une forme d’anxiété, ce qui d’ailleurs aurait pour conséquence d’interrompre votre processus intérieur.
Ce qui me vient c’est que j’aimerais pouvoir me poser juste là à côté de vous. Sans rien dire. Que vous puissiez sentir mon regard, peut-être entendre mon souffle, peut-être cet impalpable qui fait que vous vous rendez bien compte que vous n’êtes pas seul et que je suis dans cette pièce avec vous.
Je ne crois pas que nous ayons à faire grand chose. Je me sens concernée par votre chagrin, votre confusion, votre colère, votre impuissance. Je n’ai pas envie de vous dire ce que vous devez faire ou ne pas faire. À quoi bon ? Je ne suis pas vous et vous n’êtes pas moi. Je préfère laisser l’espace pour que vous puissiez sentir ma présence et, dans cet espace, peut-être sentir la vôtre. Et si vous commencez à sentir votre propre présence, alors je peux imaginer que vous pourrez trouver un petit mouvement, un ajustement qui vous conduira ailleurs ».
Dans ce contexte, la question de la présence est pour moi ce qu’il y a de plus réconfortant, contenant, aimant. Sans chercher à vouloir faire quelque chose pour l’autre, sans vouloir enlever la souffrance de l’autre, sans chercher à faire quoique ce soit si ce n’est que d’écouter ce que l’autre tente de me partager. Faire l’expérience, avec un soutien constant, d’être là, ouvert, à l’écoute, attentive, demande de la patience et de l’énergie. Je crois que c’est l’expérience de l’essentiel, une des plus difficile à réaliser.