Mon témoignage pour combattre les idées reçues et montrer qu’il est possible de s’en sortir…jusqu’à devenir psy !
Au fur et à mesure de ma pratique en tant que psychothérapeute je me suis spécialisée dans les troubles de la personnalité borderline. Je souhaite vous en parler aujourd’hui.
En parler parce que je voudrais rompre ce silence, dégager le voile de la culpabilité et de la honte qui l’accompagne trop souvent.
En parler aussi pour partager mon expérience personnelle, celle d’une personne qui a été touchée par ce trouble mais qui, à force de volonté et de travail, a réussi à le transformer. Certes, on n’échappe jamais vraiment de ce trouble mais il est possible de le transcender, de le transformer afin de ne plus le subir.
C’est en ouvrant le dialogue, autour de cette pathologie insuffisamment diagnostiquée, c’est en partageant ma propre expérience réelle et de recherche qu’il est possible de transmettre de l’espoir.
J’ai passé des années à envisager plutôt comment mourir que comment vivre. J’ai dépensé de l’énergie à me faire du mal avec des relations toxiques et parfois physiquement pour éviter un vide tant redouté. J’ai passé de longues années à réagir par impulsion, à faire des gaffes relationnelles. J’ai redouté plus que tout l’abandon et le rejet et finalement tout faire pour qu’il se produise et ainsi faire valoir une croyance que je m’étais construite que je ne pouvais pas être aimée. J’ai vécu des séjours en hôpital psychiatrique et puis un jour je suis arrivée à saturation de tout cela et je me souviens par terre sur le sol froid de ma salle de bain m’être dit que j’avais le droit de m’aimer et qu’un changement radical était la seule issue. A partir ce jour, mon seul objectif fût de transformer cela, de me changer en magicienne, même si je n’ai pas de baguette magique et même si je ne savais pas comment y arriver.
Pour me relever et me réparer la Gestalt thérapie associée à des pratiques corporelles et un choix ferme de m’engager pleinement dans mon travail thérapeutique m’a permis de sortir du drame, du chaos émotionnel et de la victimisation. J’ai étudié, recherché, expérimenté, consacré mon mémoire de fin d’étude à ce sujet et je poursuis cela avec passion. Le temps est donc venu de partager mon travail de transformation afin de témoigner et d’informer.
Les chiffres sont parlants :
-0,5 à 2% de la population souffre du trouble de la personnalité borderline
-3 cas sur 4 sont des femmes
-15% se battent avec certain trait de ce trouble
-80% des personnalités borderline font plusieurs tentatives de suicides
-10% en meurent
Mais qu’est-ce qu’au juste être Borderline. Non cela n’a en rien avoir avec la chanson de Madonna !
Être « Borderline » c’est vivre à la frontière, dans une hyperémotivité envahissante. Passer de colères si fortes, que l’on peut tout dévaster autour de soi, au calme pour redevenir douce comme une biche en quelques minutes. Redouter le vide, les silences et tout ce qui peut faire sentir un sentiment d’abandon ou de rejet. Il n’y a pas de palette de couleur, tout à l’intérieur est en noir et blanc, clivé, sans nuances.
En découle une grande difficulté dans les relations interpersonnelles, jusqu’à ne pas pouvoir construire une relation affective, tellement l’autre est poussé à bout afin de tester sa présence. Et puis quand la souffrance qu’engendre ce vide, ce rejet, cette solitude, alors l’angoisse devient si intolérable que la seule manière de la calmer est de se faire mal ou de tenter de se supprimer. La honte peut-être grande, vis à vis de soi et vis à vis des autres. Enfin, mettre des limites entre soi-même et son environnement et presque impossible.
Être dans une si grande instabilité intérieure incompréhensible amène au désespoir.
Le diagnostic est difficile à poser et accompagner des personnalités borderline peut-être éprouvant, beaucoup de thérapeutes se sentent démunis car ils connaissent parfois mal cette pathologie. Je crois profondément à un accompagnement clinique spécifique et plus que tout empreint d’humanité et de chaleur, un espace où il est possible de sentir la relation et de l’expérimenter en bienveillance. Un accompagnement empreint de délicatesse. Etre face à une présence solide, qui peut « gérer » cette instabilité et confronter ces émotions si bouleversantes. Car comment faire autrement pour des êtres dont la plus grande difficulté est de sentir l’autre et plus que tout se sentir soi-même.
En tout cas pour ma part c’est comme cela que j’ai pu m’en sortir, en allant chercher une régularité, une profondeur dans le lien avec une figure thérapeutique humaine, contenante, non jugeante et qui m’a contenu, qui a accueilli et qui ne m’a pas demandé de changer mais de m’apprivoiser. C’est en m’apprivoisant et en apprenant à mettre mon bouclier dans le bon sens qu’il est alors possible de faire vivre les traits de caractères fidèles aux « borderline » comme l’empathie, la créativité, la sensibilité, la bonté, l’ouverture d’esprit, la capacité à se remettre en question, l’auto-dérision. Et pied de nez à la vie, qui sont une excellente base pour les psys !
Il est temps maintenant que je fasse cette sorte de ‘coming out’ et de crier bien haut et fort …parlez-en, partagez…Il est possible de s’en sortir, il est possible de sortir de ce chaos et trouver du lien, des limites à l’intérieur de soi et vivre apaisé en mettant toute cette énergie au service de sa propre construction.
Doucement vôtre,
Joanna